Normand Forgues-Roy, Expérience Congrès 2011
Comme toutes les provinces canadiennes, le Nouveau-Brunswick a besoin d’immigration. De beaucoup d’immigration. La province s’est donnée comme objectif d’augmenter sa population de 100 000 personnes d’ici 2026 et d’accueillir 5 000 immigrants d’ici 2016.
La tenue du Congrès des sciences humaines 2011 dans la province a fourni une occasion en or pour revenir sur l’état de la situation. Quatre chercheurs ont donc présenté, le 31 mai, lors de la table ronde L’immigration dans une petite province : l’exemple du Nouveau-Brunswick leurs recherches sur divers aspects de la question. Leuyrs résultats vont tous dans le même sens : si Fredericton a réussi quelques bons coups, il reste encore à faire pour garder les immigrants dans la province.
Le Nouveau-Brunswick, province d’immigration d’hier à aujourd’hui
Ville portuaire, St. John a été un lieu d’installation pour le immigrants jusqu’en 1945. Au moment de la Confédération, un tiers des habitants venaient de l’extérieur du pays et la ville est toujours le centre urbain avec la plus forte proportion d’immigrants. Ainsi un tiers des immigrants qui s’installent au Nouveau-Brunswick s’établissent à St. John.
Kurt Peacock, agent de projet en immigration à Enterprise St-John, s’est intéressé à l’immigration en milieu urbain, à St. John précisément, lors d’une étude auprès d’une centaine d’immigrants dans la métropole du Nouveau-Brunswick. Interrogés sur les problèmes auxquels ils font face, 73 d’entre eux ont dit avoir besoin de meilleurs emplois, et près de 60 d’entre eux disent souhaiter plus de formation linguistique, ou une formation de meilleure qualité. Fait à noter, la plupart ne savent pas s’ils resteront dans la province. Le manque d’opportunités économiques est un des facteurs qui revient le plus souvent dans les réponses des immigrants interrogés.
Francophones, mais pas Acadiens
Seule province officiellement bilingue, le Nouveau-Brunswick n’accueille que relativement peu d’immigrants francophones : seulement 1,5% des francophones de la province viennent de l’extérieur du Canada et environ 9 % viennent d’une autre province. La communauté francophone est donc, dans une vaste majorité, de souche Acadienne. Dans ces conditions, comment s’effectue la rencontre entre francophones non-acadiens, et Acadiens? C’est ce qu’Isabelle Violette, doctorante à l’Université de Moncton, a cherché à comprendre.
Pour les francophones en milieu minoritaire, l’immigration prend un rôle supplémentaire, celui de contribuer à la vitalité linguistique des communautés. En attirant des francophones, les communautés linguistiques minoritaires peuvent contrebalancer la dénatalité et la perte de membres qui délaissent l’usage du français. Seulement, selon les réponses obtenues par Mme Violette, la plupart des immigrants francophones qui s’installent dans la province ne le font pas pour défendre, le français, mais plutôt par intérêt. Il leur semble plus facile d’apprendre l’anglais dans une province bilingue qu’au Québec par exemple.
Par ailleurs, la question de l’identité reste très marquée dans l’identification à l’Acadie : Isabelle Violette cite un des répondants pour qui « il faut avoir été déporté pour être acadien ». Pour favoriser l’intégration des immigrants francophones, la chercheuse préconise donc une redéfinition de l’identité acadienne.
Les Coréens, de nouveaux arrivants de choix
Ann Kim, de la York University, s’est de son côté intéressée à l’arrivée des Sud-Coréens dans la province. Son étude exhaustive dresse le portrait de cette immigration dans la province. Le Nouveau-Brunswick a en effet ciblé les Sud-Coréens dans son marketing. Éduqués, religieusement et culturellement proches de l’occident, les Sud-Coréens ont donc été courtisés par Fredericton. Et ils ont répondu à l’appel : de 2000 à 2008 le nombre d’immigrants reçus d’origine Coréenne a bondi de 16 à 1 117.
S’ils se sentent les bienvenus la plupart des répondants notent cependant un écart entre l’image et la réalité. Si les possibilités d’emploi sont jugées bonnes, l’intégration semble rester difficile: parmi les recommandations de Mme Kim, on peut noter le besoin de soutien aux organismes d’accueil et le besoin de construire la confiance, de dépasser l’apport économique de l’immigration.
L’école, une passerelle vers l’immigration
Dans son étude, Getting Used to the quiet, Stacey Wilson-Forsberg, de la Wilfrid Laurier University, s’est intéressée ax mécanismes d’intégration des adolescents en comparant l’intégration des jeunes à Florenceville et Fredericton. Elle arrive à un constat étonnant. Les jeunes s’intègrent mieux à Florenceville, une petite ville de de campagne (1 500 habitants) qu’à Fredericton (50 000 habitants). Une dees hypothèses, avancées par la chercheuse, c’est entre autres que puisqu’il n’y a pas d’infrastructures ou de bassin suffisant, il n,y a pas véritablement de cours d’anglais langue seconde, les adolescents venus d’ailleurs doivent donc s’adapter et s’intègrent ainsi plus facilement, parce qu’ils doivent le faire. Est-ce à dire que les programmes d’intégration échouent? Mme Wilson–Forsberg met plutôt de l’avant que l’école est un moyen d’intégration pour les jeune, et que pour réussir l’intégration, les immigrants doivent être vus comme des citoyens à part enti`re.
C’est aussi une préoccupation que Kurt Peacock a relevé chez les immigrants qu’il a rencontrés : « Ils se sentent perçus comme des vaches à lait (cash cows) »
Madhu Verma, présidente de l’Asian Heritage Society of NB, a réclamé en fin de table ronde que la province fasse plus : « Il faut passer à l’étape suivante ». Pour elle, il faut non seulement attirer les immigrants mais aussi les intégrer pour les retenir. Ce qui est vrai pour le Nouveau-Brunswick, l’est dans toutes les provinces.